LES NEGRIERS EN TERRES D'ISLAM
la premiere traite des Noirs VIIe - XVIe siècle Jacques Heers

LA GRANDE CHASSE
Les raids des musulmans : l'Egypte, le Maghreb et les oasis

« Les janissaires et autres soldats turcs, en garnison au pays d'Egypte, s'associent en certain temps de l'année plusieurs ensemble et, prenant des guides et provisions de vivres, s'en vont au désert de Libye, à la chasse de ces nègres. On leur baille au Caire, lorsqu'ils sont mis en vente, une pièce de toile qui leur couvre les parties honteuses . »


Au sud de la Nubie et à l'ouest de l'Ethiopie, le trafic des esclaves du Darfur, absolument crucial pour l'économie des sultans musulmans, résultait soit des ventes par les trafiquants installés sur place, Arabes pour la plupart, qui ne pratiquaient que d'assez pauvres razzias sur les villages des environs, soit des raids directement placés sous l'autorité du sultan du Caire. Ces chasses aux hommes se pliaient à des règles parfaitement définies, impliquant des accords constants entre le pouvoir, les notables et les marchands. Celui qui prenait la tête d'une razzia, d'un ghazwa, devait d'abord solliciter la salatiya, autorisation du sultan. Celui-ci définissait très exactement le territoire de chasse et prenait, en quelque sorte, les chasseurs et les négociants sous sa protection.

Il prêtait une escorte armée et interdisait à d'autres d'aller courir aux Noirs dans les mêmes pays. Le chef de raid avait tous pouvoirs, disposait de la même autorité que le sultan dans ses villes et ses Etats et, effectivement, on le disait bien sultan al-ghazwa, « sultan » maître du raid. Il réunissait ses fidèles, plus ou moins nombreux selon sa renommée, en fait selon le succès de ses entreprises les années précédentes, et négociait avec des groupes de marchands qui fournissaient les vivres nécessaires à de longs jours de route contre l'engagement de recevoir, en échange, un certain nombre de captifs. Chaque année le sultan autorisait plusieurs dizaines de razzias, jusqu'à soixante parfois; les hommes partaient avant les pluies, de juin à août, et suivaient toujours, sans s'en éloigner, une route fixée à l'avance, tant pour l'aller que pour le retour. Les contrats souscrits par les négociants stipulaient que ceux qui accompagnaient le raid très loin dans le Sud et se chargeaient de convoyer les captifs jusque sur les marchés des villes en recevraient deux fois plus que ceux qui attendaient simplement le retour de la razzia dans le Nord... Les Noirs surpris n'étaient certainement pas en mesure de résister les armes à la main et l'on savait qu'une bonne expédition pouvait ramener de cinq à six cents esclaves. Le plus souvent les chasseurs opéraient, en toute quiétude, dans la région même du Darfur, plus particulièrement au sud et au sud-ouest. D'autres se risquaient beaucoup plus loin et l'on parle d'hommes qui demeurèrent six mois en route avant de renoncer, ayant atteint un fleuve qu'ils n'osèrent franchir.

 

 

 

 

 

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