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La terrible traite Clandestine
Désormais, la traite devient clandestine. Ce n'est
pas une telle situation qui va humaniser le métier. En se transformant
en contrebandiers, bien des capitaines sont conduits à commettre
les pires horreurs.
Beaucoup n'hésitent pas à jeter à la mer leur cargaison
quand arrive le bateau patrouilleur.
D'autres camouflent leurs « passagers » en les enfermant dans
des tonneaux, parfois deux par deux. Certains — en mer Rouge —
iront jusqu'à les coudre dans des voiles. Sous la Restauration,
les négriers français continuent leur trafic. Ils ne risquent
qu'une peine d'amende. Et les tribunaux des « Isles » se montrent
indulgents pour ces hommes qui ont désormais tant de mal à
ravitailler celles-ci en main-d'œuvre.
Cependant, la traite n'a plus du tout bonne presse. Des brochures circulent,
qui alertent l'opinion publique et dénoncent les cruautés
de ces voyages vers l'Amérique. L'Anglais Thomas Clarkson publie
ainsi le Cri des Africains contre les Européens, pamphlet en forme
de réquisitoire, où l'anecdote vient renforcer le prêche
: « Sur le navire Zoug, le capitaine, prétextant le manque
d'eau, a fait jeter à la mer cent trente-deux Nègres vivants.
»
Sans atteindre ce chiffre record — et discuté ,— celui
du Rôdeur doit avouer s'être débarrassé de trente-neuf
Noirs devenus aveugles, et par conséquent impropres à la
vente à la Guadeloupe. Le Français Auguste de Staël
ne veut pas laisser à un philanthrope britannique l'exclusivité
de la propagande antiesclavagiste et publie à son tour une Lettre
ouverte, en 1825 :
« Loin d'avoir diminué, la traite se pratique toujours à
Nantes. [...] Les noms des armateurs ne sont ignorés de personne.
[...] C'est un prête-nom qui figure sur les rôles comme capitaine
du navire. [...] On achète des matelots la promesse qu'ils mentiront
sur le but de leur voyage. [,..] Les estimations les plus modérées
portent à plus de quatre-vingts le nombre de bâtiments aujourd'hui
employés à la traite dans le port de Nantes. Il en est peu
qui excèdent 200 tonneaux; c'est là qu'on entasse les Nègres
comme des veaux pour la boucherie. »
Le ministre de la Marine ordonne une enquête. Mais la machine administrative
est aussi lourde que lente et les négriers ont le temps de camoufler
leurs activités. Certains bateaux changent de nom et même
de pavillon.
De négociant à contrebandier, le premier pas est franchi.
De contrebandier à pirate, le second le sera aussi. Quelques bateaux
négriers n'hésitent pas à ouvrir le feu sur les navires
de surveillance, surtout s'ils sont d'une nation étrangère,
longtemps ennemie. Ainsi les Français font parler la poudre quand
les Anglais veulent les contrôler. En 1822, on se canarde longuement,
au large de la côte de Guinée. Mais force reste à
la loi et l'escadre britannique arrache mille cinq cents captifs des mains
des négriers. Les Français, les Espagnols et surtout les
Portugais continuent malgré tout la traite. Seulement, la clandestinité
provoque de plus en plus de drames, et de plus en plus affreux. Le capitaine
du Rapido jette deux cent cinquante captifs aux requins avant d'être
arraisonné ; celui de la Brillante les expédie par le fond,
lestés d'une chaîne d'ancre; sur le Vicna, on met le feu
aux poudres avant d'évacuer le navire en canot et seule l'intervention
d'un marin britannique, qui parvient à éteindre la mèche,
sauve les trois cent vingt-cinq captifs.
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Jeter les esclaves à la mer, en les vouant à une mort atroce,
peut également devenir un châtiment exemplaire après
quelque révolte de la "cargaison" du navire négrier.
![](images_esclavage/deportation.jpg)
Rares sont les moments où les malheureux passagers peuvent
échapper à l'entrepont et à son armosphère
étouffante. Ils montent alors par petits groupes sur le pont et
certains sont débarrassés de leurs entraves; ils sont alors
abreuvés et nourris. Ce "bol d'air" a lieu théoriquement,
pendant quelques minutes, une ou deux fois par jour.
(Jean Mabire - la Traite des Noirs éditions
de l'Ancre de marine)
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