LA TRAITE TRANSSAHARIENNE

"...La traite des esclaves pratiquée par les Européens sur les côtes occidentales surtout, mais aussi orientales d'Afrique, connut une grande ampleur aux XVIIIè siècles. Ces régions constituèrent alors, et de beaucoup, par rapport à l'ensemble du continent, les centres les plus actifs de ce genre de commerce. Avec le XIXè siècle, celui-ci régressa pour s'éteindre presque complètement dans les années 1860. L'évolution ailleurs fut différente. La traite, pratiquée cette fois par les Arabes, reste stable aux XVIIè et XVIIIè siècles. Aux XIXè par contre, si elle diminua sur les pistes du Sahara occidental, elle prit une extension considérable en Afrique de l'Ouest, et surtout dans le haut Nil et la zone centre-orientale du continent, où de vastes contrées jusqu'alors isolées s'ouvrirent aux entreprises des traitants. Nous passerons successivement en revue ces différentes régions..."

 

AFRIQUE OCCIDENTALE ET MAGHREB

Les opérations militaires entraînaient inévitablement - et pourvaient même avoir pour but direct - la prise de captifs. Ces derniers constituaient également la plus grosse part des tributs exigés des Etats vainqueurs. Leur nombre s'en trouva considérablement accru au point d'atteindre une proportion variant entre 30 et 50 % de la population totale. Leur rôle s'avérait capital sur tous les plans. Incorporés dans les armées victorieuses, ils donnaient à celle-ci un surcroît de puissance. Plus souvent, ils se trouvèrent affectés au travail de la terre, permettant l'extension des plantations non seulement de cultures vivrières, mais aussi de cultures commerciales, telles que l'huile de palme sur la côte de Guinée et, à l'intérieur, coton et indigo. Ils assuraient subsistance et richesse d'autres classes sociales qui pouvaient ainsi se consacrer plus activement à la politique, au commerce et à la guerre. Dans des régions enfin où les signes monétaires étaient rares, ils jouaient une fonction essentielle, celle d'objets d'échange. C'est en captifs que s'évaluaient les articles les plus recherchés : sel, boeufs, étoffe. La demande en était donc générale, et les marchés ne se concentraient pas seulement en quelques points principaux. Ils s'éparpillaient dans tous les villages que fournissaient des colporteurs ambulants, ces derniers ayant souvent l'habitude de suivre les armées en campagne pour acheter à bon compte les prises de guerre. Un vaste réseau de densité variable s'étendait ainsi sur tout la bande soudanaise..."

"...La traite des esclaves suivait ces différents courants. La traversée du désert durait, suivant les trajets, de soixante-dix à quatre-vingt-dix jours. Outre les dangers créés par les attaques de pillards, les conditions naturelles en faisaient une entreprise fort pénible et dangereuse. Tous y étaient soumis, mais spécialement les esclaves. Ils marchaient à pied alors que leurs maîtres allaient le plus souvent montés. Nus, ils se trouvaient exposés sans protection aux rigueurs des vents de sable et aux fortes variations de température entre le jour et la nuit. Malades, ils étaient abandonnés. Si la caravane venait à manquer d'eau par épuisement de ses réserves ou par obturation des puits, ils étaient sacrifiés les premiers. Les pertes devaient donc se situer à un taux élevé, sans qu'on puisse préciser ce dernier. Mais les chiffres, dans leur sécheresse, ne pourraient traduire ces réflexions - valables en bien d'autres cas - de l'explorateur Nachtigal qui, en 1869, au sud du Fezzan, suivait une piste jonchée de cadavres d'enfants..."

En Algérie, les importations n'ont pas été aussi considérables qu'au Maroc. Elles sont difficiles à apprécier, car les chiffres recueillis sont assez différents les uns des autres. En 1845, un rapport du 2è Bureau français estimait aux environs 8000 le nombre total d'esclaves noirs présents sur l'ensemble du territoire, la plupart provenant du Bornou et du Haoussa. Ce montant s'élevait à 18 329 dans un autre rapport établi trois ans plus tard à l'occasion de l'abolition de l'esclavage, le nombre d'individus jusqu'alors annuellement importés se fixant à 3 282. Mais ce chiffre est plutôt suspect ; il est beaucoup trop précis pour constituer une moyenne et, à ce taux, la population servile aurait dû être nettement plus importante. On ne peut donc en retenir que le fait d'introductions d'esclaves à un niveau plus bas que celui d'autres régions.

Vers 1880, les introductions annuelles d'esclaves au Mzab étaient encore estimées à un millier d'après un observateur, entre 1 500 et 2 000 d'après un autre. Ces chiffres, là encore, nous paraissent exagérés, car les débouchés vers le nord se trouvaient pratiquement fermés. De toute façon, ils tombèrent quelques années plus tard, quand l'autorité française s'étendit sur cette région, pour se réduire à un petit trafic de contrebande..."

"La Tunisie se trouvait dans une situation semblable à celle de l'Algérie quant à sa position géographique qui la maintenait à l'écart des grands courants transsahariens. Elle recevait cependant des caravanes du Fezzan et de Ghadamès dont l'apport au XVIIIè siècle consistait uniquement, d'après des observateurs de l'époque, en poudre d'or et en nègres. Ces derniers, au début du siècle suivant, arrivaient à un rythme annuel oscillant entre 500 et 1 200 dont une partie était réexpédiée vers les ports du Levant..." D'anciennes pratiques ne pouvaient disparaître d'un coup, et l'introduction en contrebande d'esclaves noirs de la traite, en nombre réduit cependant, ce poursuivit avec, parmi eux des femmes musulmanes nées en condition libre de parents musulmans. Aussi un nouveau texte fut -il nécessaire après l'établissement du proctectorat français. En 1890, un décret beylical déclarait l'illégalité de l'esclavage et rendait obligatoire, dans un délai notaire, à tous les domestiques noirs employés sur le territoire de la régence. un pas décisif fut alors franchi.

TRIPOLITAINE ET CYRENAÏQUE

Les introductions d'esclaves soudanais en Algérie et en Tunisie furent donc relativement faibles aux XVIIIe et XIXe siècles. Plus à l'est, par contre, en Tripolitaine, on retrouvait des chiffres semblables à ceux du Maroc. Tripoli était relié au Soudan par trois axes principaux. L'un passait par Ghadamès pour aboutir à la boucle du Niger : c'était le moins important. Le second passait également par Ghadamès, mais de la se dirigait au sud et par Ghat et l'Aïr, atteignait les pays haoussas. Le troisième traversait le Fezzan pour rejoindre le Bornou.

Tripoli recevait du Soudan, outre les esclaves, de l'ivoire, de l'or en poudre ou en lingots, du séné, des peaux, du natron, de la gomme, et plus tardivement, des plumes d'autruche. Le commerce des esclaves, qui seule nous intéresse ici, connut des fluctuations. A la fin du XVIIe, le nombre d'individus introduit dans la ville se situait entre cinq et six cents, si l'on en croit une mémoire rédigé en 1686. Mais cette même année le Bey de Tripoli avait entrepris une campagne militaire au Fezzan pour soumettre de nouveau le pays qui refusait de reconnaître son autorité. La pertubation du commerce, qui s'en suivit néccéssairement, explique sans doute ce chiffre relativement faible. Avec l'époque des Karamanli, la situation se stabilisa, et l'apport d'esclaves monta à la moyenne de 1 500 au cours du XVIIIe siècle. La plus parvenaient du Fezzan, quelques centaines seulement de Ghadamès. Ils constituaient de beaucoup l'élément principal du commerce, puisqu'il représentaient à eux seuls une valeur égale à celle de tous les autres articles réunis, soit un peu plus d'un milion de livres en 1766. Une partie était achetée et retenue sur place, mais une autre, beaucoup plus importante, était exportée. Ce trafic donnait lieu à spéculation,car des négociants en gros se portaient acquéreurs de lots importants qu'ils revendaient ensuite à des détaillants. Le gouvernement y trouvait son compte , car il prélevait une taxe de 3,5 % sur le prix de vente des noirs en provenance du Fezzan, et 2,5% sur ceux de Ghadamès. Quant à l'exportation, elle se dirigait entièrement vers l'empire ottoman. Les points de débarquement étaient les suivants : Constantinople, Salonique, Smyrne, Scio, la Morée, Crète. Il pouvait arriver que certain esclaves soit envoyés à Malte, mais ceci était rare. Le transport n'était pas effectués par les Tripolins . Ceux-ci nolisaient des navires européens, presque exclusivement français, sur lesquels ils s'embarquaient avec leurs captifs vers les ports de déstination. c'étaient de petites embarcations variant pour la plus part entre cinquante et cent cinquante tonneaux. Elles ne pouvaient donc contenir beaucoup de passagers, mais leur nombre et leurs rotations continuelles permettaient un trafic relativement important.Ce trafic prit fin au début du XXe siècle avec la conquête française de Baguirmi et du Wadaî, qui coupa les sources d'approvisionnement. Dans les régions intermédiaires toutefois, comme à Koufra, il se poursuivait encore dans les années 1920. Un des subterfuges employés par les habitants consistait à contracter mariage dans un pays soudanais et, au retour divorcer et vendre la femme.

EGYPTE ET SOUDAN ORIENTAL

Cette expansion du trafic des esclaves jusqu'à une date tardive se retrouvait ailleurs en Afrique et sur une échelle plus grande. Arrêtons-nous tous d'abord sur la vaste zone formée par le bassin du Nil : Egypte et Soudan oriental. le Caire comme aux siècles précédents continuait à recevoir des observateurs à deux ou trois mille au début du XVIIIe siècle et à trois ou quatre mille à la fin. Le Caire recevait des caravanes de trois provenances differentes : Fezzan, Darfour et Sennaar. Les principaux produits apportés consistaient en Ivoire, ébène, gomme, poudre d'or, plumes d'autruches, musc et ambre gris. Les esclaves y figuraient dans une proportion variable selon les régions d'orrigine.

Autre région fournisseuse : le Sennaar. Ce royaume, déjà présenté ci-dessous, atteignit son apogée durant la première moitié du XVIIIe siècle. Sa position sur le Nil Bleu falicitait ses échanges avec l'Abyssinie d'où lui arrivaient des esclaves, mais il s'en procurait aussi par des moyens violents dans les régions intermédiaires. le roi s'en attribuait la moitié, davantage donc que celui du Darfour mais, au contraire de ce dernier, s'en tenait là dans ses redevances. Le principal courant d'exportation se dirigeait vers l'Arabie par le port de Souakim et, là encore, les exclaves en constituaient l'élément le plus important.

Au XVIIIe siècle en général, l'Egypte devait donc recevoir annuellement cinq à six mille esclaves noirs du Darfour, quinze cents -sauf une periode d'éclipse - du sennaar et un nombre impossible à déterminer du Fezzan, mais qui ne devait pas dépasser quelques centaines. Sur ce total, la moitié environ parvenait au Caire d'ou une partie etait réexporter en Turquie. Au Soudan même, principal pays d'origine ces chiffres se trouvaient augmenté en conséquence de tractations locales et d'un autre courant d'exportation vers l'Arabie.

Ce genre de trafic constituait donc un phénomène fort important. En 1798 lors de l'expédition d'Egypte, Bonaparte ne tarda pas à s'en rendre compte et il chercha à l'exploiter pour le renforcement de son armé. A la veille de la campagne de Syrie qu'il entrepris en nourissant de vastes projets , il envisagea de recruter jusqu'à 15 000 Noirs, en plus d'un nombre d'autochtones. Son échec le ramena à des chiffres plus modestes. l'intention demeurait néanmoins puisqu'il demanda au sultan du Darfour de lui envoyer "deux mille esclaves noirs ayant plus de seize ans, fort et vigoureux .

Méhémet Ali était le chef du corps des Albanais que comptait l'armée Turque envoyé contre Bonarpart. Il était ensuite imposé comme pacha et, et bien que vassal du sultan de Constantinople, il exerça sont pouvoir de façon pratiquement indépendante. Ambitionant d'étendre son autorité, il avait besoin d'une armée nombreuse et fidèle. L'effectif des Albanais étant insufisant et leur insurbordination à peu près continuelle, il projeta d'enrôler des noirs qui, amenés de loin et formés à l'exercice des armes, lui fourniraient une force plus importante et plus docile. Ce fut sans doute le principal motif qui le poussa à entreprendre la conquête du Soudan en 1820 et, celle-ci une fois accomplie il le rappela nettement à un des commandants de l'armée d'occupation : "vous savez, lui écrivait-il, que le but de notre effort et des frais encourus est de nous procurer des Nègres. Manifestez du zèle, je vous en pris, en exécutant nos désirs dans cette matière capitale". Les populations ne furent donc pas tellement opposées en argent, qui était rare, mais plutôt en livraison d'hommes, sans compter le bétail, et des rafles furent organisées dans les régions méridionales. Le convoyage, préparé dans des conditions hâtives, causa une forte mortalité, et les opérations durent se poursuivre avec davantage d'intensité pour produire les résultats escomptés. On réussit de cette manière en 1823, à rassembler 30 000 hommes dans les camps militaires en haute Egypte. Mais les rigueurs d'une discipline bien étrangère à leurs mode de vie traditionnel et les exercices imposés sous un climat qui n'est pas le leur, entrainèrent des maladies de toutes sortes, dysenterie, malaria, variole, qui décimèrent les rangs. L'expèrience sans être complètement abandonnée, aboutit à un échec, et Méhémet Ali recourut alors à un recrutement complètement égyptien.

C'est à l'ouest du Nil que la traite connut sa plus grande extension. Au sud du Darfour, vers le Dar Fertite, les traficants étaient attirés depuis longtemps par les mines de cuivre de hofrat en Nahas, sans compter évidement les ressources en esclaves.

Du Nil blanc jusqu'au Dar Fertite, les traitants établirent ainsi, à une moins grande échelle, un certain nombre de structures indépendantes, et leurs activitée se démultipliait en de multiples composantes. Si les razzias étaient organisées pour le compte des maîtres, les bandes qui les oppéraient ne se contentaient pas de ce simple service. Outre la part qui devait leur être attribuée, elles se réservaient pour elles-mêmes un surplus : c'est précisément ce qui attirait un grand nombre d'aventuriers que n'auraint pu tenter un commerce régulier dans des conditions difficiles. Ces prises, consistant pour une grande part en esclaves, s'ajoutaient au salaire qui, on s'en souvient, leurs était souvent versé sous la même forme.

Lhistoire de esclave au Soudan connut une prolongation dans l'aventure de Rabah. Cet ancien serviteur de Ziber s'enfuit du Darfour quand son maître fût maintenu en capticité et la province reconquise par les Egyptiens. il s'engagea alors vers l'ouest avec les troupes dont il disposait et envahit successivement le Wadaï, le Baguirmi, puis le Bornou sur les ruines duquel il édifia un éphémère empire. Ces campagnes s'accompagnèrent de rafles importante de captif vendus sur les marchés pour se procurer en échange armes et munitions ou, pour les hommes, incorporés dans son armé pour en grossir les rangs. Rabah fut victime du partage colonial : il trouva la mort en 1900 au cours d'une bataille livrée par trois colones françaises qui firent leurs jonctions sur le lac Tchad à partir du nord, de l'ouest et du sud, et son empire s'écroula avec lui. Un courant de traite aussi important ne pouvait toutefois se tarir en quelques années. Tout en perdant son ampleur précédente, il se poursuivit tardivement et de façon régulière, en particulier à l'occasion du pélérinage de la Mecque où se vendaient des esclaves amenés, sous le couvert de parents ou de domestiques, de diverses régions de la bande soudanaise.

ETHIOPIE

Les principales sources d'esclaves toutefois ne se situait pas en Abyssinie même, mais sur les bordures méridionales et occidentales ou l'on trouvait successivement les Gallas, les Guragés et les Shanquallas. Les Gallas habitant au sud du Ghoa, offraient un champs doublement actractif pour les razzieurs : l'offre était abondante par suite de querelles sans cesse renouvelées, et les femmes faisait alleurs l'objet d'une forte demande, car elles possédaient la même réputation que les Abyssines pour leurs qualitées domestiques. Les Guragés, les voisins occidentaux, ne représentaient pas ce dernier avantage, mais leur habitat dispersé rendait les prises si faciles que les traitant de petite envergure, et ils étaient nombreux, pouvaient aisément s'en livrer. Quand au Shanquallas, situé plus à l'ouest ves le Soudan, ils étaient recherchés pour leur ardeur au travail et leur résistance aux maladies : ils constituaient à eux seuls plus d'un tiers de la population servile en Abyssinie. tout au long du XIXe siècle, les raids furent fréquent dans ces différentes contrées d'où l'on enlevait de grosses caravanes. Le nombre d'esclaves passant au Soudan est estimé par un historien moderne, spécialiste de l'Ethiopie, entre 13 000 et 17 000 par an.

Pour comprendre le trafic qui s'oppérait ainsi en Abyssinie et en Somalie, et s'orientait en de nombreuses directions, il faut le relier étroitement au zones limitrophes évoquées ci-dessus. De grands axes s'etendaient sur de longues distances et se complétaient d'un ensemble de ramifications dont le détail d'ailleurs nous échappe largement. On remarquait un véritable chassé croisé d'esclaves à travers certaines régions à la fois exportatrices et importatrices, comme le Soudan, l'Abyssinie et Zanzibar, formant un réseaux commercial dont les composantes s'entremêlaient étroitement.

Des textes furent édités au XIXe siècle pour interdire le trafic des esclaves, mais ils se heurtèrent à de trop vieilles habitudes et n'eurent que des effets limités.

La situation commença à se débloquer quelque peu avec Ménélik, le fondateur de l'Ethiopie moderne. Roi du Choa, il accéda au trône à la mort de yohannès en 1889. Affirmant sa volonté de réforme à l'occasion de son couronnement, il adhéra l'année suivante à l'acte général de la conférence qui réunit à Bruxelles les délégués de dix-sept puissances en vue de concerter des mesures propres à suprimer la traite sur le continent africain. les opérations militaire s'étalèrent sur une longue periode, entrainant la prise de nombreux captifs : lui-même n'hésita pas à vendre ces derniers pour renflouer son trésor, épuisé par le coût de la guerre, ou à en faire présent, par lots entiers à des personnages dont il devait s'assurer l'alliance ou la fidélité.

La situation se stabilisa dans les dernières années du XIXe siècle quand il eut repoussé les Italiens et assuré sa domination sur les territoires convoités. L'occasion cessa du trafic des prisonniers de guerre mais, dans tout le pays, se poursuivaient des tractations plus ou moins clandestines. Des traitants s'abouchaient, moyennant pots-de-vin, avec le chef local pour avoir la liberté d'enlever des enfants dans sa circoncription : ils les achetaient à l'amiable aux parents en besoin d'argent ou s'en emparaient par la force. Des percepteurs d'impôt se faisaient payer s'ou cette forme les taxes dont les contribuables trop pauvres ne pouvaient s'acquitter. Dans les villages, où l'on connaissait souvent la misère, des moyens de séductions s'employaient auprès des filles ou jeunes femmes auxquelles on promettait monts et merveilles dans le séjour en ville : parties pleines d'espérances elles se trouvaient, une fois arrivées à destination, saisies et vendues. D'autres part, si la traite était officielement interdite l'esclavage domestique restait légal. il constituait même un fait dominant de la société éthiopienne, puisque l'on comptait 3 à 4 millions d'esclaves sur une population de 10 à12 millions d'habitants.

Il faut évoquer également une autre pratique : la castration. Ménélik l'avait interdite sous peine de mort, mais une telle prohibition allait à l'encontre d'un usage fortement établi. C'était en effet la coutume d'emasculer les enemis tués ou fait prisonniers à la guerre, et les dépouilles constituaient un trophée dont on se faisait gloire : les Italiens, vaincus à Adoua en 1896, et les populations subjuguées au sud et à l'ouest de l'Abyssinie en firent encore l'expèrience. L'acte avait un nom spécifique, la sallaba, qui ne pouvait en principe s'accomplir que sur l'enemi: c'était une preuve de courage. Mais faute d'en avoir l'occasion ou la possibilité, certains supléaient en s'attaquant à des passants sur les routes ou même à des malades sans défense. En outre la castrations des jeunes garçons continuait à se pratiquer. Il en résultait, sans compter l'exportation, une présence d'eunuques assez importante en Ethiopie : en 1910 le nombre en était estimé, par un bon observateur, entre 4 000 et 5 000. Plus que la garde de leurs femmes, les maîtres leur confiaient celle de leurs richesses car, ils avaient une bonne réputation d'intégrité. Pour les mêmes raisons, il accédaient parfois à de hautes fonctions. ménélik mourut en 1912. Le régent Tafari fut son successeur, d'autres procupations avait fait passer bien à l'arrière-plan toute idée de répression de la traite des esclaves qui s'épanouit de nouveau, atteignant un chiffre annuel de plusieurs milliers : celui de 10 000 fut même avancé. Le régent Tafari, qui exerçait le pouvoir effectif, ne pouvait se satisfaire d'une telle situation. Soucieux de faire participer son pays au monde de son temps, il entreprit de le moderniser dans tous les domaines et, sur le plan international, posa sa candidature à la société des nations. En vue, la sanction prévue contre le trafic des esclaves fut agravée en1922 par la peine de mort et des traitants effectivement exécutés.Le texte de la nouvelle loi et le compte rendu de son application fifurèrent au dossier envoyé à Genève,mais la commission qui eut à en débattre, les jugea insufisants : car l'esclavage domestique restait légal ?L' affaire donna lieu à d'âpres discussions, et l'on se mit finalement d'accord.

 

 

 

 

 

© Copyright 2001 - 2011 Helene & Alex Rimbert les.traitesnegrieres.free.fr