Texte de Condorcet (1743-1794). Reflexion sur l'esclavage des nègres. II 1781.

 

En supposant qu'on sauve la vie des nègres qu'on achète, on ne commet pas moins un crime en l'achetant si c'est pour le revendre ou le reduire en esclavage.C'est précisément l'action d'un homme qui , après avoir sauvé un malheureux poursuivit par des assasins, le volerait , Ou bien, si on suppose que les Européens ont déterminé les Africains à ne plus tuer leurs prisonniers, ce serait l'action d'un homme qui serait parvenu à dégoûter des brigands d'assassiner des passants, et leurs aurait engagés à se contenter de les voler avec lui.

Dirait -on dans l'une ou l'autre de ces suppositions, que cet homme n'est pas un voleur ? [...] On peut acquérir des droits sur la proprièté future d'un autre homme, mais jamais sur sa personne. Un homme peut avoir le droit d'en forcer un autre à travailler pour lui, mais non pas de le forcer à lui obéir. L'excuse alléguée est d'autant moins légitime , que c'est au contraire l'infame commerce des brigants d'Europe, qui fait naître entre les Africains des guerres presque continuelles, dont l'antique motif est le désir de faire des prisonniers pour les vendre [...]

Ils ont l'art perfide d'exciter la cupidité et les passions des Africains, d'engager le père à livrer ses enfants. Le frère à trahir son frère, le prince à vendre ses sujets . Ils ont donné à ce malheureux peuple le goût destructeur des liqueurs fortes. Ils lui ont communiqué ce poison qui, caché dans les forêts de l'Amérique, est devenu, grâce à l'active avidité des Européens, un des fléaux du globe : et ils osent encore parler d'humanité.

Condorcet (1743-1794). Reflexion sur l'esclavage des nègres. II 1781.

 

 

 

 

 

 

 

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