LES NEGRIERS EN TERRES D'ISLAM
la premiere traite des Noirs VIIe - XVIe siècle Jacques Heers

L'ISLAM EN AFRIQUE NOIRE. LA CONVERSION


Au-delà du Sahara, la conversion des princes et des peuples s'est faite davantage par les prédications que par les conquêtes armées. La religion fut d'abord enseignée par des négociants maghrébins, hommes souvent de grand savoir, stricts croyants, riches d'argent et de relations, capables d'imposer le respect et la considération. C'étaient, pour la plupart, des Berbères : ceux du Sud-Ouest saharien, les Sanhadja, maîtres des routes qui menaient à Sijilmasa; ceux qui allaient trafiquer dans les pays de la boucle du Niger, aux carrefours des pistes, à Ouargla et à Tadmakka- Gao ; ceux du Sud-Est, de l'Aïr, du Kawar et d'un chapelet d'oasis entre le Fezzan et le lac Tchad, qui firent de Zaouila le principal poste de traite pour les captifs enlevés dans le Sud lointain .


L'islam amené par des étrangers apparaissait comme la religion de l'homme qui a beaucoup voyagé, bien connu le monde et beaucoup appris. « Les musulmans sont particulièrement honorés, au point qu'on leur cède le pas lorsqu'on les rencontre. » Comme en tant d'autres pays et pour tant d'autres religions, la conversion, première étape pour la maîtrise des marchés et de la traite, s'est faite d'abord et surtout par celle des souverains. Nombre de ces Berbères ou Arabo-Berbères, hommes de science et de négoce tout à la fois, devinrent les secrétaires, conseillers et chargés d'affaires des rois qui, avec plus ou moins de bonheur, ont imposé leur nouvelle religion à leurs sujets. Et voyageurs comme historiens de témoigner des vertus de ces rois néophytes et des mérites des saints religieux, ulémas et marabouts, qui en ont fait de bons croyants. Les shayks peuls amenaient avec eux les livres saints ou les livres de grammaire arabe et ne cessaient de contraindre les chefs à se soumettre aux devoirs et aux pratiques de vie que leur imposait l'islam : « Chaque jour, Ali ben Muhammad Dubnama venait écouter Masbarma'Uthman lire et expliquer le Coran avec les traditions (hadiths) jusqu'à ce qu'il devînt un bon musulman. Masbarma lui donna ordre de ne pas prendre plus de quatre femmes. Le sultan obéit. Masbarma lui ordonna de mettre dans sa maison autant d'esclaves qu'il voudrait, même un millier, à condition de renvoyer les femmes libres qui étaient en plus. Masbarma prescrivit la même mesure aux chefs du Bornou . »

Le Livre des Biographies d'Al-Shammakh (f 1572) rapporte encore, plusieurs siècles plus tard, comment Ali ben Yakh-lul, pieux érudit, ayant longtemps voyagé pour son négoce dans les plus lointains districts du Soudan, alla vivre au Mali. Le roi, après avoir sacrifié en vain plusieurs animaux aux idoles, l'implora de prier Dieu pour que cesse la sécheresse qui sévissait depuis de longs jours dans son royaume, au point que les hommes ne trouvaient plus à manger. « Impossible, dit-il, puisque vous tous, ici, priez d'autres dieux. Le roi voulut s'instruire. Ils allèrent ensemble sur une colline et le pieux Ali lui enseigna la Loi. Le lendemain, l'eau tomba si fort que seuls des bateaux pouvaient entrer dans la cité et les pluies durèrent pendant dix-sept jours. Le roi obligea toute sa famille, ses ministres et les habitants de la ville à se convertir. Comme ceux qui demeuraient plus loin, dans la brousse, le refusaient, il fit proclamer qu'aucun non-croyant ne pourrait pénétrer dans ses murs, à peine d'être mis à mort sur-le-champ . »

 

 

 

 

 

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