DE L'OUBLI A L'HISTOIRE
Oruno D. Lara
Espace et identité caraïbes
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LA VISION DES VAINQUEURS


Martire d'Anghiera rapporte qu'après un combat contre Cuarecua, le cacique du Darien, « Vasco trouva la maison de ce cacique souillée par une sensualité abominable. Il blessa le frère du cacique et beaucoup d'autres, parés d'habits de femmes ; selon le témoignage des voisins, c'était pour s'adonner à la licence. Il ordonna d'en faire dépecer une quarantaine par les chiens ». Lopez de Gomara décrit les indigènes du Darien « grandement adonnés à la paillardise » et à la sodomie : - On les appelle Caribe, à cause de la province de Caibana, pour être braves et hardis, et bien répondants à leur nom ; et parce qu'ils étaient si inhumains, cruels, sodomites et idolâtres, ils furent mis en proie, pour les rendre serfs, ou pour les tuer et massacrer, s'ils ne voulaient renoncer à leurs abominables péchés, et prendre l'amitié des Espagnols, et se faire baptiser en la foi de Jésus-Christ . »
Quant à Oviedo, ses observations vont encore plus loin : - ce que j'ai dit de la population de cette île (Espanola) et des îles voisines est largement public, et on le sait même de la terre ferme, où beaucoup d'Indiens et d'Indiennes étaient sodomites. (...) Le cacique Goacanagari, en effet, s'unissait avec certaines de ses femmes à la façon des vipères. Voilà une abomination jamais entendue qu'il ne peut apprendre que de ces animaux».
Colomb décrit dans sa lettre à Luis de Santangel, rappelons-le, les mœurs des « femmes de Matinino, la première île que l'on rencontre en allant d'Espagne vers les Indes et dans laquelle il n'est aucun homme. Ces femmes ne s'adonnent à aucun exercice féminin, mais bien à ceux de l'arc et des flèches fabriquées, comme ci-dessus dit, de roseaux, et elles s'arment et se couvrent de lames de cuivre qu'elles ont en abondance ». Ces amazones suscitent des fantasmes et Colomb souhaitait en ramener « cinq ou six d'entre elles », mais « il doutait que les Indiens en connussent bien le chemin et il ne pouvait s'attarder en raison du danger de cette eau que faisaient les caravelles ». Il consignait cependant qu' « à une certaine époque de l'année les hommes viennent à elles de ladite île de Carib qui est à dix ou douze lieues de là. Si elles accouchent d'un garçon, elles l'envoient à l'île des hommes, et si elles ont une fille, elles la gardent avec elles ».
Thevet lui aussi a rencontré ces amazones armées d'arcs, de flèches et de lances : « Elles font la guerre ordinairement contre quelques autres nations, écrit-il, et traitent fort inhumainement ceux qu'elles peuvent prendre en guerre. (...) Quand ces femmes s'approchent pour combattre, elles poussent des cris horribles et merveilleux pour épouvanter leurs ennemis . »
Un témoin du deuxième voyage de Colomb, le Dr. Chanca, confirme que les femmes participent aussi au combat à l'occasion. Il a pris en chasse une embarcation de Karib avec à bord quatre hommes, deux femmes et un garçon : « Dès qu'ils eurent compris que fuir ne les sauverait pas, écrit-il, avec beaucoup d'audace les Caraïbes saisirent leurs arcs, les femmes comme les hommes ». Ils blessèrent deux des vingt-cinq marins espagnols qui ne capturèrent qu'un seul d'entre eux. Chanca poursuit : « S'il arrive que les hommes s'en aillent, les femmes se défendent virilement contre ceux qui vont par là. Il me semble que là est l'origine de la croyance selon laquelle il y a dans cet Océan des îles peuplées seulement de femmes, comme m'en avait persuadé l'amiral Colomb lui-même . »

 

 

 

 

 

 

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