DE L'OUBLI A L'HISTOIRE
Oruno D. Lara
Espace et identité caraïbes
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ANCIEN MONDE ET NOUVEAUX MONDES
PREAMBULE


On a voulu nous faire croire que l'Europe, des colonnes d'Hercule (Gibraltar) au fleuve Tanaï's (le Don) et aux rives de la Baltique, s'est organisée autour de la Chrétienté et de la primauté de Rome. C'est oublier que l'Europe est diverse et qu'elle se développe au contact de la civilisation arabo-musulmane. Il faudra bien que tôt ou tard, les Européens qui construisent leur unité s'aperçoivent qu'ils ne peuvent pas écarter de l'histoire ces Arabes qui leur ont porté tant d'outils, instruments de leur culture : la caravelle, la poudre à canon, le chèque, la lettre de change, le billet de banque, l'imprimerie, le papier, la frappe monétaire des dinars or et argent, la médecine, la chimie, l'algèbre. La civilisation arabo-musulmane est à la base du développement économique et culturel de l'Europe. Une Europe chrétienne est un mythe. L'histoire a enregistré une Europe chrétienne et arabo-musulmane qui avance, progresse siècle après siècle à partir de la mort de Mahomet. Fernand Braudel, malgré des efforts louables, ne voit qu'une rive de la Méditerranée, observe l'historien turc Orner Lutfi Barkan. Les historiens occidentaux ne parviennent pas à dépasser leurs a priori de dominants. D'où le racisme qui ne vient pas seulement de la colonisation ou du système esclavagiste, mais qui découle de l'hégémonie spirituelle et culturelle supposée de l'Europe, pour les Européens, ou de celle de l'Islam pour les Musulmans.
Les coups de boutoir donnés depuis quelques décennies aux visions européocentristes ont ouvert de larges brèches dans l'enceinte. La construction de Braudel autour des économies-monde est une des dernières tentatives d'organiser l'histoire du monde à partir de l'Europe. L'Europe n'est plus F « ancien monde » qui orchestre les partitions des autres continents et dirige la symphonie de l'histoire des peuples. Les empires des historiens occidentaux se fragmentent et s'écroulent. Il faut reprendre tous les dossiers et les analyser sans les postulats de l'idéologie dominante.
Quand on se décide à se dégager de l'historiographie occidentale européocentriste et de toutes les croyances de l'anthropologie raciste pseudo-scientifique du XIXe siècle - et de son échelle hiérarchisée des races humaines - quel monde se révèle à nous ?
On peut mettre en évidence, avant les entreprises de conquête, plusieurs grands ensembles culturels, des contacts de civilisation, bien que ce terme de civilisation soit à utiliser avec d'infinies précautions.
Les grandes lignes de ces espaces de civilisation s'esquissent en partant naturellement du continent Afrique, le seul vieux monde que l'on connaisse. Nous passons ensuite à l'empire des Arabo-musulmans si étroitement associé à l'Europe, puis à l'Inde et à l'Asie du Sud, l'Extrême Orient, Chine et Japon, pour aboutir enfin à l'Amérique.
Une question redoutable se pose aux historiens, à laquelle ils ont bien du mal à répondre : quand démarra l'expansion coloniale de l'Occident chrétien ?
La plupart des spécialistes la font commencer au XVe siècle avec le phénomène des Grandes Découvertes. D'autres chercheurs remontent aux Croisades. On sait que la première débuta la série en 1095-1099 et que la huitième, la dernière, se déroula en 1270.
Quelques auteurs consciencieux voudraient partir des Grecs et des Romains, associés, d'après eux, au terme de colonie.
Je préfère insister sur l'empire arabo-musulman, qui prend son essor à partir du VIIe siècle. Les conquêtes arabes ont soudé « les deux grandes aires économiques de l'océan Indien et de la Méditerranée, séparées, depuis la dislocation du monde hellénistique, en deux domaines quasi étanches : Méditerranée romaine et Orient parthe puis sâssânides 1 ».
La mer Intérieure devient ainsi un passage commercial unissant l'Extrême-Orient à l'Extrême Occident.
L'expansion de l'Islam provoqua une renaissance commerciale, culturelle, démographique, urbaine et économique de l'Occident barbare. Le triomphe des Musulmans favorisa l'épanouissement de l'Europe carolingienne et ouvrit les portes à l'aventure océane.
Une Inde musulmane s'ébaucha vers le XI siècle autour du Pendjab et du sultanat de Delhi en 1206. Elle se renforça par l'invasion, en 1526, des troupes de Baber, musulman orthodoxe, se prétendant descendant de Gengis Khan. Il constitua l'Empire du Grand Mogol qui se désagrégea au contact des Anglais implantés au Bengale en 1757.
La Chine s'ouvrit après la conquête mongole (1211-1279). La Révolution nationale des Ming rejeta les Mongols vers le désert en 1368 et les empereurs cherchèrent à s'opposer sur mer. Sous le commandement de l'amiral musulman Tcheng Ho, sept expéditions maritimes successives partirent de Nankin de 1405 à 1432. Des flottes réunissant jusqu'à soixante-deux jonques transportant 17 800 soldats se rendirent aux Iles de la Sonde, à Ceylan et atteignirent l'Afrique par le Golfe Persique et la mer Rouge.
Imaginons un instant les conséquences historiques, si des jonques chinoises ayant doublé le Cap de Bonne Espérance, étaient remontées au large des côtes africaines jusqu'à Lisbonne ou avaient traversé l'océan Atlantique en suivant les alizés jusqu'à l'archipel guadeloupéen.

 

 

 

 

 

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