1848: ABOLITION DE L'ESCLAVAGE
La traite et l'esclavage négriers
par Godwin Tété

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L'Harmattan

LES ORIGINES


Avec son goût bien prononcé pour les mythologies mystificatrices, l'européocentrisme nous a appris que Christophe Colomb «découvrit» l'Amérique en 1492. Et les Améridiens originaires d'Asie qui, par le détroit de Behring, arrivèrent sur les lieux des milliers d'années avant notre illustre « navigateur-découvreur » ? De récentes recherches affirment : « Christophe Colomb n'a pas découvert l'Amérique, des Noirs ont débarqué sur ce continent bien avant lui».


Quoi qu'il en soit, la traite et l'esclavage négriers européens ne datent pas de 1492 ; ils virent le jour plutôt avec les voyages maritimes initiaux des Portugais autour de l'Afrique, en route vers l'Inde, à la poursuite de l'or, de l'ivoire, des épices, etc. C'est-à-dire à compter des années 1416 où ces navigateurs atteignent le Cap Bojador (ou « Cap de la Peur »).


En effet, les premiers captifs sont razziés sur le Rio de Ouro en 1441. Des fois, ces captifs sont pris tout simplement comme pièces à conviction de l'aventurier qui, tel Ulysse, se doit d'attester la véracité des récits de son légendaire périple...


Mais, en 1453, les Turcs s'emparent de Constantinople. Ils créent l'Empire ottoman, bouleversant la géopolitique et la géostratégie mondiales. Conséquence, l'Europe du Sud ne peut plus, pour la culture de ses plantations, s'approvisionner en « slavons » aux alentours de la Mer Noire. (Observons au passage que le terme esclave n'est qu'une déformation de slave).

Dès cet instant, se pose la question de savoir à quel substitut recourir. C'est alors que le Pape Nicolas V, pourtant considéré comme l'un des meilleurs papes, va, par sa bulle Romanus Pontifex en date du 8 janvier 1454, autoriser le roi du Portugal Alphonse V (dit l'Africain) à pratiquer la traite et l'esclavage négriers en toute légalité.


Si bien que, déjà vers 1551, 10 000 des 100 000 habitants de Lisbonne, soit 10 %, étaient noirs. « Vingt ans plus tard, 40.000 esclaves (dont un grand nombre d'Africains) travaillaient dans les plantations méridionales du pays ou à Madère ».


Mais c'est à partir de 1492, avec la «découverte» de l'Amérique par Christophe Colomb, que la grandiose, la terrible tragédie, l'épouvantable odyssée transatlantique des Nègres, va véritablement démarrer. En effet, très vite, les oiseaux rapaces espagnols vont, à coups de fusil et d'hydromel, décimer les peuples amérindiens pour accaparer leurs terres et leur or. Cependant que la main d'oeuvre servile européenne n'accepte pas les conditions de vie et de travail dans les mines ou les champs de canne à sucre, de coton, de café, de cacao.


Voilà pourquoi, dès 1511, le dominicain Bartolomé Las Casas suggère d'importer, à grande échelle, des Nègres jugés plus solides que les pauvres esclaves amérindiens (ceux qui subsistaient encore), qu'il entend « protéger ».


Quelques années plus tard, plus précisément vers 1559, l'amiral John Hawkins obtiendra de la couronne britannique qui s'était émancipée de la tutelle du Vatican à la faveur de la Réforme, l'autorisation d'opérer le diabolique trafic négrier tout à fait licitement.


A telle enseigne qu'à la fin du XVeme siècle, tous les ingrédients géographiques, économiques, politiques, scientifiques et technologiques sont en place. Oui, nous sommes ici à l'époque dite des grandes découvertes, des premiers balbutiements du capitalisme, de la vraie naissance de l'« économie-monde » (Fernand Braudel), de la « mondialisation ». En somme, l'« infrastructure » est disponible ; reste à inventer la « superstructure ».


2. Ivan Van Sertima, Ils y étaient avant Christophe Colomb, Flammarion, Paris, 1981.
3. Olivier Pétrt-Grenouilktu, La Traite des Noirs, PUF. Paris, 1997. p. 93
4. Bellon de Saint-Quentin, Dissertation publiée en 1764, citée par Antoine Gisler, L'esclavage aux Antilles françaises (XVII^-XIX*1* siècle), Karthala, Paris, 1981, p. 170
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